Ahmed Amrani est l'un des rares plasticiens marocains ayant réussi à  opérer le passage périlleux de la calligraphie à la peinture figurative  dans ses formes les plus maîtrisées. Amrani aborde la lettre arabe avec  une sensibilité de peintre, sortant des codes et des structures que  régissaient traditionnellement la calligraphie. Il procéda d'abord par  agrandissement tentaculaire et déplacement aléatoire du graphème arabe  sur l'espace de la toile. Résultat : la lettre se coupe de tout lien  avec la langue et devient figure picturale à part entière. L'œuvre  d'Amrani porte en elle les traces de l'esthétique hispanique dans ce  qu'elle a de singulier et de grandiose. Marqué par l'œuvre gravée de  Goya, celle des Caprices et des Désastres, Amrani sait conférer à ses  figures une dimension tragique. Esseulées, repliées sur elles-mêmes,  projetées dans des espaces vides et hostiles, les figures d'Amrani  exhalent un sentiment de souffrance face à la vacuité de l'existence.  Souvent dressée verticalement, la figure n'a pas de visage  reconnaissable ni de traits identifiables. Aussi garde-t-elle  constamment une part d'ombre et de mystère.